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 On ne s'était pas quitté en bons termes ; retrouvons-nous en bons voisins [feat. Sam]

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Raphaël Dowd

Raphaël Dowd

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MessageSujet: On ne s'était pas quitté en bons termes ; retrouvons-nous en bons voisins [feat. Sam] On ne s'était pas quitté en bons termes ; retrouvons-nous en bons voisins [feat. Sam] EmptyVen 24 Avr - 0:42

Il avait passé une soirée aussi normale que les autres, il avait voulu ajouter un peu de piment en sortant en boîte. Pendant quelques heures, il avait baigné avec les alcoolos du samedi soir, bâtis comme des dieux, qui au lieu de faire fuir tout un chacun avec leur haleine putride et leur dégaine bancale, attiraient, fascinaient et plaisaient. Il avait été ballotté des filles à la pudeur illusoire aux coincés en thérapie.

Il était tombée sur Samantha, la soeur de son ancien meilleur ami. Il l'avait reconnue même si elle avait quitté son style emo, ses mèches roses, et qu'elle se déhanchait sur du Rihanna sans revendiquer l'unique mérite inégalable de Nirvana et Metallica.

Elle était plus jolie qu'avant, plus naturelle. Raphaël s'était contenté de la regarder et de se laisser submerger par une vague de nostalgie. Il l'avait taquiné, cette Sam, et pas toujours de façon bienveillante. Il avait passé les meilleurs moments de sa vie avec son frère. C'étaient ces instants-là qui resurgissaient sous le rythme frénétique des basses qui faisaient trembler les cages thoraciques.

Emporté par un ami d'un soir au coeur des masses mouvantes des danseurs, il avait oublié tout ça, jusqu'à ce qu'il se retrouve dans le vestiaire, à attendre sa veste derrière la blonde.

Ils sortirent tous les deux, et commencèrent à rentrer chez eux. L'avait-elle reconnu ? Peut-être. Ils marchaient à un mètre de distance, lui sur les traces de celle qu'il considérerait toujours comme l'archétype de l'ado en pleine rébellion.

Lorsque Raphaël avait vu la porte de son immeuble, au bout de la rue qu'ils avaient empruntée, il s'attendait à la voir bifurquer sur une ruelle latérale ou à continuer après sa porte vitrée. Et pourtant elle était entrée dans la petite résidence. Si elle ne l'avait toujours pas reconnu, elle devait le prendre pour un pervers lubrique et souhaiter posséder un taser ou un poing américain.

Ils prirent tous les deux l'ascenseur, elle appuya sur le bouton 1, qui se cercla aussitôt d'une auréole lumineuse. Il n'eut rien à ajouter. Destinations identiques.

Depuis deux ans, il habitait sans le savoir au même étage que la soeur de son meilleur ami d'enfance, qu'il avait connue révoltée par la société et rongée par l'acné.
C'était difficile à croire ; elle devait avoir emménagé depuis peu, ou rendre visite à un ami.

Il se racla d'abord la gorge. Il devait lui parler dans cet ascenseur, au moins lui signaler qu'il n'était pourvu d'aucune mauvaise intention. Mais il ne savait pas s'il devait se présenter poliment ou mettre directement les pieds dans le plat. La fermeture des portes lui permit de se jeter à corps perdu dans une amorce de conversation, aussi stupide soit-elle : « Alors Samantha, on a abandonné les mèches roses ? »

Il espéra qu'elle n'allait pas réagir comme toute personne normale devant une phrase de si mauvais goût. Il espéra qu'elle n'avait pas totalement oublié son côté marginal. Il espéra éviter le hoquet de surprise et la gifle.
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Sam Cook

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MessageSujet: Re: On ne s'était pas quitté en bons termes ; retrouvons-nous en bons voisins [feat. Sam] On ne s'était pas quitté en bons termes ; retrouvons-nous en bons voisins [feat. Sam] EmptySam 25 Avr - 12:35


On ne s'était pas quitté en bons termes
retrouvons-nous en bons voisins
Raphaël et Sam

Le monde de la nuit, c’est un monde à part. C’est un monde fou, un monde flou, où t’es emporté par la foule, où tu sens que plus rien n’a d’importance. Un monde où tu peux porter un masque que personne ne viendra t’enlever. Je stéréotype peut-être, peut-être que cela ressemble à un idéal d’ado frustrée, mais je sais que la nuit, ce n’est pas pareil. La nuit, il n’y a plus rien d’autre que la musique qui fait vibrer les murs, le sol, et qui fait danser les gens. Il n’y a rien d’autres que les verres qu’on s’enfilent entre amis, et que les lumières tamisées qui flottent.
Ce n’est pas rare que je sortes, mais c’est plus rare que je rentre seule, et je me rappelle pourquoi je prends ces précautions. Ah, ça, il se sont bien vite envolés, mes rêves de liberté, ou de tout autre cliché débile sur la magie des soirées. Ils sont partis dans la noirceur de la nuit quand j’ai remarqué des pas derrière moi. Je ne me suis pas retournée. Je n’en ai pas pris le temps, et puis, j’ai peur de passer pour une paranoïaque de première classe. Ce qui, entre nous, n’est jamais l’idéal, surtout dans une ville comme Monterey, où tout circule bien trop vite. Et puis, si ça se trouve, je connais la personne derrière moi. Ou encore je flippe pour rien. Comme d’habitude.
Je marche sur Lightouse Avenue depuis quelques instants, maintenant, espérant pouvoir y arriver avant d’entendre les pas derrière moi se mettre à courir, et de sentir une main à la recherche d’une affection bien particulière sur mon épaule. Mais rien de tout cela n’arrive. Seulement le fait que la personne derrière moi rentre au même endroit. Ca me paraît un peu gros, comme coïncidence, mais je prends le temps de me retourner, de jeter un œil à l’inconnu, pour voir si ce ne serait pas un voisin. Et, en effet, sa tête m’est familière. Pas reconnaissable, vous savez, comme la tête de quelqu’un qu’on aurait croisé, dans les couloirs d’un lycée, par exemple, des années durant, sans jamais lui parler. Un visage vaguement familier, même plus que ça, mais pas assez pour que l’on aie directement un nom, une voix, à mettre dessus.

Ce n’est que lorsque nous entrons dans l’ascenseur que je peux me permettre de l’observer un peu plus, le temps d’une seconde. Ses traits me reviennent peu à peu, et je sais précisément où je l’ai déjà vu, et en quelles circonstances. Même si je n’ai toujours pas de nom, je le revois trainer avec mon frère, tout le temps. Je revois mon frère gueuler à travers la pièce, en direction de cette même personne. Je revois un milliard de soi disant « taquineries pas méchantes », auxquelles la personne qui est dans l’ascenseur a bien souvent pris part. Mais ce n’est que lorsqu’il m’adresse la parole que son nom me remonte à l’esprit.

« Alors Samantha, on a abandonné les mèches roses ? »

Oh mon Dieu. Des images affreuses de ma tête me remontent à l’esprit. Des erreurs de jeunesse, comme on dit. Mais bon sang, qu’est-ce que j’avais dans le crâne pour faire ça à mes pauvres cheveux ?

« Alors Raphaël, toujours accro au porno ? »

Ca, il le doit encore à d’autres souvenirs, qu’il a lui-même fait remonter à la surface. C’est ridicule de sortir ça, mais c’est tout ce dont je me rappelle d’un peu compromettant pour l’instant. Lui et mon frère sur l’ordi, ou encore dans des magazines, à l’ancienne. Je ne comprends même pas comment ils faisaient ne serait-ce que pour se le dire. Ils étaient vraiment pas nets. Pas normaux du tout.
A l’instant où je vais tenter d’enchaîner sur quelque chose d’un peu mieux (le soi-disant passage à l’âge adulte, ça ramollit la réactivité), j’entends un grincement. L’ascenseur se stoppe, les portes s’apprêtent à s’ouvrir… Sauf qu’elles ne s’ouvrent pas. Une seconde passe, dans le silence le plus total, avant que je ne le rompe avec un soupir. Youpi, nous voilà coincés ici.
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Raphaël Dowd

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MessageSujet: Re: On ne s'était pas quitté en bons termes ; retrouvons-nous en bons voisins [feat. Sam] On ne s'était pas quitté en bons termes ; retrouvons-nous en bons voisins [feat. Sam] EmptyDim 26 Avr - 23:40


Il s'en voulait toujours un peu, d'avoir démarré la conversation comme le pire des rustres ; mais il oublia brutalement d'être gêné lorsque Sam lui répondit, de la manière la moins classe qu'il soit : « Alors Raphaël, toujours accro au porno ? »

Il n'avait pas plus honte que ça, car c'était Samantha, la grande soeur de Tim, et qu'elle devait bien savoir qu'à seize ans, le sexe et le porno sont des préoccupations aussi importantes que le futur tunning de sa future Porsche. Pour des ados stéréotypés. Mais Raphaël et Timothy jouaient sur ce stéréotype, et l'acceptaient volontiers.

La seule chose qui aurait pu éventuellement choquer Sam, c'était qu'ils le faisaient ensemble. Joyeusement. Enfin peut-être pas. Ensemble en tout cas.
Mais si on réfléchissait bien (enfin, en cherchant une excuse), quand Samantha fantasmait sur Kurt Cobain, bien qu'il soit défunt, elle en parlait sans aucun doute à ses chères et tendres amies, et qui sait à combien de détails sur sa future vie avec le descendant d'un quelconque rockeur s'adonnait-elle ?
Il haussa les épaules. « T'as pas changé. Sauf les cheveux. »

C'était jouissif de pouvoir en rajouter une couche, épaisse et crue ! Il n'avait plus du tout honte, ils semblaient quittes. Il aurait bien profité de sa petite blague bien lourde en laissant échapper un rire, si les portes de l'ascenseur ne s'étaient pas bloquées.
Sam souffla bruyamment. Raphaël aussi. Il s'appuya sur la glasse de la cabine, et pressa le bouton d'alerte.
Il détestait ça. Il détestait être bloqué dans les ascenseurs. Il détestait le standard qui vantait son efficacité et sa rapidité de réaction, mais qui commençait à se presser au bout d'une demi-heure, si toutefois on connaissait et appliquait la technique du « l'air se fait de plus en plus rare, je suffoque, la ventilation est bloquée. »

Raphaël n'avait vraiment pas envie de s'occuper de l'appel, il maudissait encore et toujours cet ascenseur alléchant qui était plus près de la porte d'entrée que les escaliers. Il allait devoir passer trente minutes minimum avec Samantha, et l'idée ne le réjouissait pas vraiment. Le voisin bloqué dans l'ascenseur est toujours la lueur d'espoir de l'autre. Si taquiner Sam était parfaitement dans ses cordes, tenir la conversation avec elle ne l'était pas. Ce serait comme si celui qui vous torturait se mettait à parler avec vous du thé qu'il devait aller boire chez sa grand-mère en fin de semaine.
Peut-être était-il souhaitable de demander pardon pour les traumatismes de l'enfance ? Sans doute.
« Excuse-moi pour les huit années de souffrance et de harcèlement. »
Il tenta d'être le plus sincère et le plus humble possible, et grava sur son visage un air contrit.

C'est la voix du standardiste qui rompit le silence que Raphaël avait religieusement initié. Il posa rapidement sa main sur les trous qui faisaient office de micro.
« Tu fais la claustro et moi le cardiaque. Ça ira plus vite. »
Il retira ses doigts et la laissa parler.

Il savait que Samantha était vraiment claustrophobe, de même qu'il se souvenait que sa farce préférée était de s'appuyer contre la porte de la pièce dans laquelle elle se trouvait et dont elle s'apprêtait à sortir. Un garçon en pleine croissance pèse plus qu'une adolescente obsédée par ses cuisses et ses poignées d'amour.

Il sortit son téléphone et sélectionna un jeu au hasard.
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Sam Cook

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MessageSujet: Re: On ne s'était pas quitté en bons termes ; retrouvons-nous en bons voisins [feat. Sam] On ne s'était pas quitté en bons termes ; retrouvons-nous en bons voisins [feat. Sam] EmptyMar 28 Avr - 21:33


On ne s'était pas quitté en bons termes
retrouvons-nous en bons voisins
Raphaël et Sam

Raphaël répond à mon soupir par un autre, qui lui fait écho, avant de s’affaler contre le miroir de l’ascenseur et de presser el bouton d’urgence. J’ai presque envie de lui dire qu’à cette heure là, il a bien de l’espoir. Non, sans rire, on va rester coincés des millénaires, dans ce truc, avant qu’un mec décide qu’il ne fait ni trop froid, ni trop chaud, et qu’il est assez motivé pour bouger ses fesses et nous ouvrir. Non, mais franchement, ça n’arrive qu’à moi de rester coincée entre deux étages (surtout que j’habite au premier, quoi) avec l’ancien meilleur ami de mon frère qui m’a saoulée pendant huit ans ? Si oui, pourquoi moi ?
Et puis… C’est ridicule, ce silence. On dirait qu’on est encore des gamins, qui nous faisons la tête. Moi parce qu’il m’a embêtée, lui parce que « on lui parle pas. » Et même si je trouve ça, et le sais, pertinemment ridicule, je n’ai rien à dire pour rompre le silence. C’est encore plus pathétique. Mais cette situation est réellement trop étrange. Et de quoi je suis bien censée parler avec lui ? Je ne peux pas faire comme avec un inconnu total, mais en même temps, je ne sais rien de lui, et je n’ai rien à lui dire.
Mais, alors que je cogite pour trouver un sujet de discussion en attendant que les autres débiles acceptent de répondre à leur sonnerie, c’est lui qui ouvre la bouche, et me lance :

« Excuse-moi pour les huit années de souffrance et de harcèlement. »

Et il rajoute à ça un air réellement grave et contrit, pendant que je sens mes yeux s’écarquiller. Genre, des excuses. Ca rend l’ambiance encore plus étrange. Sérieusement, des excuses, c’est la dernière chose à laquelle je m’attendais. Oui, après le fait que mon frère sorte du miroir.
Soudain, une voix grésillante, lasse, et passablement saoulée par notre appel retentit. Le standardiste. Raphaël pose sa main sur le micro pendant que l’autre nous demande de décliner adresse, identité, nom du chat, du chien, souci… et me lance :

« Tu fais la claustro et moi le cardiaque. Ça ira plus vite. »

J’hausse les épaules. J’ai quelques tendances claustrophobes. Oui, pas au point de paniquer et de me mettre à hurler au secours, mais en les accentuant un poil on devrait obtenir de l’aide plus rapidement. Et puis, le faire passer pour un cardiaque devrait doubler la vitesse d’intervention. On sera peut-être tirés d’ici avant demain soir, en fait.

« Oui, bonjour, quel est votre souci ? » me marmonne le standardiste.
Bah, franchement, je vous appelle d’un ascenseur, vous voulez que ce soit quoi ? Que ma voiture est tombée en panne ? Je lève les yeux au ciel avant de décliner mes nom, prénom, et adresse, avec une touche de panique simulée bien dosée dans la voix. Au moment où l’autre va raccrocher, me dire qu’ils « interviendront vite (mais bien sûr), j’ajoute, innocemment :

« Oui, faites vite, je… Je suis claustrophobe, je crois que… Qu’on va manquer d’air, et il… il est cardiaque, donc… Dépêchez vous, par pitié. »

Je l’entends, satisfaite, marmonner quelque chose dans son autre téléphone, avant de m’astreindre au calme, de m’affirmer que l’air circulait, que nous ne risquions rien, ce à quoi je ne réponds que par des « oui » entrecoupés de grandes respirations affolées qu’il ne peut qu’entendre.

« Nous faisons au plus vite mademoiselle. »

J’hoche, en panique, la tête, avant de couper la communication et de me retourner vers mon voisin-le-cardiaque, auquel je lance, d’un ton ennuyé :

« Ils arrivent. Je sais pas quand, mais ils se pointent. »

Puis, après un bref moment de silence, je sors mon téléphone, répond à un sms d’une amie qui, chanceuse, est encore dehors (j’aurais du rester avec elle, à ce prix-là), puis me tourne vers Raphaël. Putain, ce qu’il est grand. Il me dépasse facilement de 15, 20 centimètres.  Oui, on a changé, tous les deux.
Une question me brûle les lèvres. Je sais que j’ai déjà dit que ce n’étaient pas mes affaires mais… Je sais aussi que les circonstances sont les pires pour la poser, et que ça relancera une gêne du tonnerre, mais… Rah. Tant pis. Il faut que je la pose.

« Dis, Raphaël, désolée de te demander ça mais j’me suis toujours posé la question… Pourquoi vous vous êtes engueulés, Tim et toi ? »

Bon, OK, j’aurais peut-être pas du. Mais après tout… C’est le moment où jamais. Et on a rien de mieux à se dire, il me semble.
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Raphaël Dowd

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MessageSujet: Re: On ne s'était pas quitté en bons termes ; retrouvons-nous en bons voisins [feat. Sam] On ne s'était pas quitté en bons termes ; retrouvons-nous en bons voisins [feat. Sam] EmptyJeu 30 Avr - 0:22



Il est tombé sur Flappy Bird. Il déteste ce jeu depuis qu'il a traversé quatre-vingt-dix-huit tuyaux et qu'il peine maintenant à excéder les vingt points. Pourtant, il est extrêmement concentré. Chaque pression sur le bouton play lui procure un délicieux frisson de peur. Il s'y croit.

Raphaël a toujours été un enfant (et un adulte) plus gamin que la moyenne, avec des défis et des raisonnements souvent aussi puérils que matérialistes. Il espère que ça respire l'intellect pour un quelconque philosophe ou un quelconque artiste.
Malheureusement, la plupart des gens le trouvent simplement "mignon" quand il commence à "s'enjailler comme un gosse".

Sam a commencé à réciter son long monologue entrecoupé de respirations affolées et de balbutiements paniqués.
Il ne peut s'empêcher de la regarder. Il ferait ça pour n'importe qui. C'est comme du cinéma que de voir les gens jouer, voir des émotions se graver sur un visage dépassé par la force de ces-dernières. Tout est trop fort pour l'humain, l'humain est trop faible pour tout comprendre et tout sentir.

Le problème, Raphaël en est convaincu, c'est qu'il y a trop de sentiments et trop de force émotionnelle. C'est comme la peinture. Si l'on a que dix tubes de gouache, il faudra choisir entre cent nuances pastelles et dix couleurs pures.
Pluralité ou quintessence ? C'est un beau dilemme auquel l'Homme a été confronté. Doit-on parler d'espèces primitives et civilisées, ou d'espèces spécialisées et polyvalentes. Quel est le mieux ? Que désirer ? Où nous trouvons-nous ?

Certains diront que les réponses dépendent de l'époque, et de la quête des Hommes de ce temps-là. D'autres diront que tout cela n'est que fumée idéologique et idéaliste. D'autres encore s'en moqueront. Il y aura ceux qui n'y verront aucune importance pour leur quotidien, ceux que ces questions dépassent, ceux qui se cacheront derrière des prétextes stupides pour s'empêcher de raisonner, ceux qui se cacheront derrière des raisonnements célèbres pour empêcher les autres de raisonner autrement que les grands noms.
Raphaël est d'accord avec tout ceux-là. Il ne veut pas mettre tout le monde d'accord, il veut juste être d'accord avec tout le monde.

C'est mignon. Il s'y croit. Il s'enjaille. Il se battra pour qu'on reconnaisse son raisonnement. Puis il se battra pour le considérer plus humblement.

Il est comme tout le monde, il ne veut pas qu'on lui marche sur les pieds, mais il ne veut pas être ce narcissique insupportable. Il oscillera de tout à rien, il ne sera jamais satisfait. Jamais satisfait des autres et jamais satisfait de lui-même.

C'est un enfant qui gigote, qui réfléchit puis oublie. C'est un enfant qui parle, qui regrette puis oublie. C'est un enfant qui perd quelque chose, le retrouve puis l'oublie.
C'est le minotaure qui ne voit plus le fil, l'aperçoit trop tard, le délaisse trop tôt. C'est celui qui agit avant de parler, celui qui se perd dans ce qu'il dit. Celui qui a de grandes idées, mais qui semble bégayer.
Celui qui s'abandonne après qu'on se soit abandonné à lui, celui qui abandonne les autres avant de s'abandonner lui-même. Celui qui fait des luttes d'idées avec un adversaire invisible. Celui qui attend beaucoup mais jamais assez. Celui qui pourrait faire des chansons nihilistes. Celui qui ne croit en rien, pessimiste sur l'avenir de l'optimisme. Celui qui conjugue futur et passé, joie et tristesse. Celui qui ne comprend ce qu'il dit qu'après l'avoir dit. Celui qui se questionne après avoir questionné. Celui qui répond avant de connaître la question. Celui qui ne trouvera jamais de point final à sa vie.
Celui qui sait que jusqu'à la mort, tous les jours sont nouveaux. Celui qui connaît la douleur de la vie, mais ignore celle de la mort. Celui qui vit jusqu'à comprendre qu'il n'a jamais vécu.
Celui qui n'a que du fond sans forme dans la tête, et que de la forme sans fond à la bouche. Celui qui espère être quelque chose pour son quelqu'un, et être quelqu'un pour son quelque chose.
Celui qui se fout des claques, celui qui est parfois bourré, mais qui pourrait trouver du sens à n'importe lequel de ses propos. Celui qui n'a d'ennemis que les ennemis de ses amis. Celui qui arrive à croire en tous les points de vue. Celui qui espère faire quelque chose de sa vie, mais qui sait qu'il faudrait pour ça se calmer. Celui qui ne veut rien falsifier mais entrer partout. Celui qui veut le beurre, l'argent du beurre, le sourire de la laitière mais aussi que le pot soit vide, les pièces en chocolat, et qu'au sourire succède une claque.
Celui qui aime rêver, se laisser submerger par un monde onirique, puis se réveiller et se sentir fier d'être dans le vrai et plus dans le néant des déjections mentales.
Celui qui attend quelque chose au milieu de nulle part, qui ne parvient pas à choisir devant l'abondance.

Celui qui s'imagine tout ça dans un ascenseur. Celui qui sourit devant sa connerie. Celui qui se dit que putain, ça ferait un bon texte flou de poète incompris. Celui qui oublie qu'il se comprend très bien. Celui qui hoche la tête à cette fille qui a dû lui dire quelque chose. Celui qui se rend compte qu'il agit présentement comme un connard. Celui qui se dit qu'il y repensera chez lui. Celui qui sait qu'il n'y repensera pas. Celui qui espère y repenser après avoir été défaitiste. Celui qui a l'air content de mettre son cerveau en veille. Celui qui lance un sourire à la petite blonde en face de lui, et qui l'écoute. Parce que oui, on dirait bien qu'elle pose une question...

« Dis, Raphaël, désolée de te demander ça mais j’me suis toujours posé la question… Pourquoi vous vous êtes engueulés, Tim et toi ? »
Il la regarde, mais il s'en fout. C'est le nouveau Baudelaire, le Mallarmé et le Nietzche. Il réunira tous ces genres et tous ces gens opposés. Tous ces genres et ces gens que les littéraires aiment bien, que les scientifiques respectent, que tout le monde connaît.

Ascenseur. Dans un putain d'ascenseur. La préface de son futur bouquin. Ou le titre. Ça fera tourmenté.
Il rigole un peu. Bordel, mais qu'est-ce qu'il est con, avec sa gueule de gamin de quinze piges, ses mains trop grandes et son cerveau insipide. Il ferait mieux de se concentrer sur la petite voisine. Il la dépasse de beaucoup. Il voit bien le sommet de sa tête. Elle n'a pas de pellicules. En même temps elle est blonde. Il y a aussi son nez, la petite bosse pointue entre ses cils couverts de mascara. Ses sourcils un peu plus haut, et sa bouche un peu plus bas. Et puis il y a les mèches plates mais ondulées, témoins d'un lissage, qui tombent autour de ses épaules
« Y'a trois versions : la mienne, la sienne et la vraie. Pour moi, il m'a volé mon coup de foudre du lycée. Pour lui, je lui ai volé son coup de foudre du lycée. En vérité, notre coup de foudre commun sortait avec nous deux en même temps. Oui c'est très con. On avait dix-sept ans et on était amis depuis dix ans. Fallait bien que ça casse, ça a cassé. Le truc vraiment très con c'est que des doubles de soi, y'en a qu'un, et qu'on l'a tout les deux perdu parce qu'on était tellement des copies conformes qu'on craquait sur la même fille et qu'elle ne pouvait pas choisir entre un cheval blanc et un blanc cheval. »


Dernière édition par Raphaël Dowd le Sam 2 Mai - 20:58, édité 1 fois
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Sam Cook

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MessageSujet: Re: On ne s'était pas quitté en bons termes ; retrouvons-nous en bons voisins [feat. Sam] On ne s'était pas quitté en bons termes ; retrouvons-nous en bons voisins [feat. Sam] EmptySam 2 Mai - 18:13


On ne s'était pas quitté en bons termes
retrouvons-nous en bons voisins
Raphaël et Sam

OK, c’est officiel, on a perdu Raphaël. Son regard, vide, me scrute. Je ne sais pas ce qu’il a pris ce soir, mais il l’a pris, et bien. On dirait qu’il cherche à comprendre le sens de mes mots. On dirait qu’il est autre part, dans un autre délire, dans un autre monde. On dirait qu’il est au dessus de ce moment si… anodin.

Et puis, il se met à rire. Doucement, mais presque avec folie. Vous savez, le genre de rire jaune qui est tout, sauf contagieux. Ce genre de rire qui ne vous arrive que lorsque vous êtes fou, ou du moins, êtes conscient de passez pour un taré. Eh bah c’est ce rire là qui éclate dans la cabine d’ascenseur, qui émane du mec avec qui je vais être coincée durant au minimum une demi-heure.
Je ne sais pas si c’est ma question qui provoque cet engouement, et dans ce cas, ça a vraiment du lui laisser des séquelles, ou si c’est complètement autre chose. Peut-être des substances pas forcément légales ? Ou juste des soucis mentaux ? Enfin bon, je pense le connaître, à peu près, et, pourtant, je ne l’ai jamais vu dans cet état. Faudra que je demande à Tim si il est toujours comme ça. Enfin, il daigne ouvrir la bouche, après m’avoir observée un petit moment :

« Y'a trois versions : la mienne, la sienne et la vraie. Pour moi, il m'a volé mon coup de foudre du lycée. Pour lui, je lui ai volé son coup de foudre du lycée. En vérité, notre coup de foudre commun sortait avec nous deux en même temps. »

J’hausse un sourcil. Je ne pensais pas que ce genre de trucs arrivait dans les amitiés entre mecs. Je pensais que pour eux, c’était les potes en premier, et que même si c’était arrivé, ça se serait arrangé. Apparemment, pas du tout. Alors, c’était une histoire de meuf qui avait brisé une amitié comme ça ? Une amitié de huit ans avait été brisée par un amour de lycéens ? Ca en serait presque comique. Les amis, c’est vraiment instable. Et ça, leur histoire, c’est vraiment naze. D’ailleurs, Raphaël fait écho à mes pensées :

« Oui c'est très con. On avait dix-sept ans et on était amis depuis dix ans. Fallait bien que ça casse, ça a cassé. »

J’ai envie de rétorquer que ça aurait pu tenir, mais je sais que c’est faux. Combien d’amis « pour la vie » ai-je perdu en sortant du lycée ? Combien de temps on peut rester en contact, quand on a une nouvelle vie ? Il a raison, ça aurait peut-être cassé. Mais ça n’empêche que ça, c’est vraiment, vraiment naze.

« Le truc vraiment très con c'est que des doubles de soi, y'en a qu'un, et qu'on l'a tout les deux perdu parce qu'on était tellement des copies conformes qu'on craquait sur la même fille et qu'elle ne pouvait pas choisir entre un cheval blanc et un blanc cheval. »

J’hausse les épaules. Lorsque je les voyais ensembles, je ne m’en préoccupais pas tellement, mais c’est vrai que c’est exactement le genre de truc étrange/psychologique que mon frère aurait pu sortir. Je ne m’en étais jamais vraiment rendue compte, mais ils ont vraiment beaucoup en commun. Enfin, je ne suis pas débile, je m’en doutais bien qu’ils se ressemblaient, mais je pensais que c’était à un point… normal. Comme deux amis proches, quoi.
J’hausse les épaules. Je n’ai rien de particulier à ajouter. J’ai beau me creuser la tête, je ne sais pas quoi dire. Je ne suis pas sensible à cette psychologie. Pour moi… Pour moi, il faut rester terre à terre, et dire les choses comme elles le sont. Pas enjolivées. Ce n’est rien d’autre que de beaux habits pour mieux faire passer la pilule des mots. Rien d’autre qu’un costume d’hypocrisie.
Je m’affale à mon tour contre la glace, sans un mot. Sans un soupir. Je ne sais pas combien de temps s’est écoulé, depuis que j’ai appelé, mais les secondes s’étirent, me semblent des minutes.
Je me tourne vers Raphaël, et hésite à ouvrir la bouche. Si ça se trouve, il est reparti dans son délire, on l’a reperdu.

« Ca a changé. Tout a changé. »

C’est stupide, comme réflexion. Evidemment que ça a changé. Le temps qui passe, c’est son but, s’il en a un, de faire changer les choses. Et puis, merde, je ne sais même pas pourquoi je parle comme ça. On dirait une putain d’énigme, ou des retrouvailles de deux anciens parents, ou je ne sais quoi. C’est ridicule. Complètement ridicule. Qu’est-ce qu’on fout là, même ? Et puis, en plus, on dirait cette psychologie à deux balles. On dirait une gamine de quatorze ans, qui hurle à la lune "Pourquoi la vie, pourquoi la mort ?"

Il ne me regarde pas, je ne sais même pas s’il m’a entendue. J’espère que non. Du fond du cœur. Pas si je veux conserver un semblant de dignité. Alors, comme pour noyer le poisson, j’enchaîne sur une banalité. Sur un truc pourri. Mais bon, au final, on n’a rien de mieux à se raconter.

« Tu deviens quoi ? »
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On ne s'était pas quitté en bons termes ; retrouvons-nous en bons voisins [feat. Sam]

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